Blockchain

Il n’y aura pas de traçabilité alimentaire 3.0 sans une évolution de la supply chain des distributeurs

Share this post:

Les consommateurs attendent une meilleure traçabilité des denrées alimentaires, de la part des industriels comme des distributeurs, rejoignant en cela des enjeux majeurs de santé publique. Selon Emmanuel Le Cloirec, responsable de l’offre Agrobusiness chez IBM, cela ne se fera pas sans une évolution de la supply chain, et même des modes de production.

Quelles sont les attentes des consommateurs en matière de traçabilité des produits alimentaires ?

Emmanuel Le Cloirec – Pour les consommateurs, il y a un premier enjeu autour de la santé et de la sécurité alimentaire. La manière dont les quelques cas d’intoxication alimentaire sont relayés sur les réseaux sociaux montre à quel point le sujet est sensible pour le grand public… Un second enjeu qui monte est lié aux aspirations personnelles des consommateurs, de plus en plus attirés par la nourriture bio, vegan ou sans gluten. Idem avec la neofood, qui s’attache à l’impact économique et sociétal de la nourriture. Ces consommateurs veulent que leur consommation alimentaire devienne éco-responsable, et pour cela ils veulent connaître l’impact sur l’environnement et sur la société de ce qu’ils mangent. Or ces informations sont déjà disponibles, et elles seront sans doute bientôt fournies au consommateur. Attention cependant à la transparence tous azimuts. Il faut veiller à ne pas désorienter le consommateur avec des informations trop complexes ou qu’il n’est simplement pas prêt à entendre. Il y a un enjeu très important d’éducation du public – pour que chacun apprenne à consommer mieux.

Qu’est-ce que cette attente de traçabilité implique pour la grande distribution ?

E. Le C. – Si on analyse les cas d’intoxication alimentaire qui ont touché le monde de l’enfance, on se rend compte que les industriels comme les distributeurs avaient bel et bien respecté les normes en vigueur. On peut donc se demander si les normes que nous connaissons actuellement, la « traçabilité 1.0 », sont suffisantes ! Une traçabilité 2.0 permettrait de donner aux consommateurs des informations qui existent déjà, mais qui ne sont pas totalement analysées pour le moment, et qu’on ne peut pas non plus mettre directement à leur disposition. En garantissant l’origine de certains produits comme les poulets d’Auvergne, les tomates, les œufs ou certains produits frais, Carrefour s’inscrit déjà dans cette démarche. Quant à la traçabilité 3.0, elle serait possible dans un deuxième temps, mais conditionnée par une évolution des outils de supply chain des distributeurs. Elle apporterait une information produit qui pourrait permettre aux enseignes de se différencier de leurs concurrents. On ne la voit pas encore arriver, cependant les technologies existent…

Comment aider les enseignes et les circuits logistiques à améliorer la traçabilité des aliments mis en vente ?

E. Le C. – La traçabilité est basée sur les numéros de lot des produits. Pour l’instant, cette information n’est pas reprise systématiquement tout au long du «parcours du produit», il faudrait par exemple pouvoir enrichir le code – barres du produit avec cette information afin de détecter les numéros de lot lors du passage en caisse. En cas de procédure de retrait, le fait de scanner le produit en caisse déclencherait un message d’alerte et bloquerait la vente. On pourrait aussi facilement retrouver, via leur carte de fidélité, les clients qui ont déjà acheté le lot incriminé. L’enseigne pourrait alors mettre en place des actions pour prévenir les clients de manière personnalisée – et en profiter pour enrichir sa relation avec le consommateur ! Ce n’est pas compliqué d’un point de vue technique, mais cela implique de faire évoluer la supply chain des distributeurs, les solutions caisses déjà installées et tout ça pour un métier déjà sous tension. Quand les prix d’achat des grands distributeurs sont tous à peu près les mêmes, c’est l’efficacité de la supply chain qui permet de faire de la marge. Si on rajoute une contrainte, on risque de fragiliser cette marge. Si un acteur s’engage seul dans cette démarche, il y a peu de chances que cela fonctionne. Il faudrait que le législateur intervienne pour faire évoluer des règles qui s’appliqueront alors à tout le monde.

Certaines filières de production ont-elles déjà mis l’accent sur ces enjeux de traçabilité ?

E. Le C. – Pour apporter un service plus qualitatif, les filières de production de viande pourraient communiquer des numéros de lot reliés à des infos sur la technique d’élevage ou même sur chaque animal. Dans la filière bovine, chaque animal a historiquement une fiche d’identité qui lui est propre. Ce n’est pas le cas dans la filière porcine, mais certains éleveurs ont par exemple développé des filières d’élevage sans antibiotiques qui doivent être tracées en tant que telles. On pourrait par exemple avoir un carnet de santé électronique pour chaque animal, ce qui est parfaitement possible avec l’Internet des objets (IoT).

Quelles techniques utiliser pour rendre cette traçabilité facile à comprendre pour le consommateur ? Jusqu’à quel niveau de précision peut-on aller ?

E. Le C. – La blockchain et les technologies cognitives ne peuvent être utilisées que si elles s’appuient sur un nombre suffisant de données. Dans l’optique d’une traçabilité 3.0, toutes les informations qui vont remonter auront été captées via l’IoT de manière automatique et sécurisée, puis certifiées par la blockchain de manière instantanée. Ces données seront fiables à 100 %… Quand un laboratoire procède à des analyses qualité chez un fabricant, faire remonter systématiquement tous les contrôles positifs ou négatif site par site via l’IoT pourrait être intéressant pour leur donner une meilleure visibilité et renforcer la sécurité sanitaire en faisant plus de prévention, voir établir une notation des sites. La blockchain permet de mettre en place des plateformes cognitives qui facilitent les échanges d’information, comme c’est le cas avec l’IBM Food Trust (IFT), déjà utilisé entre autres par Walmart aux États-Unis ou Carrefour en France. Il ne s’agit pas de construire une énorme plateforme de blockchain qui regrouperait tous les industriels et enseignes, mais de mettre en place chez nos partenaires une blockchain qui serait interopérable entre elles. Il appartiendra ensuite à chaque partenaire de configurer le type de restitution de données qu’il veut proposer à ses clients ou à ses consommateurs. Des enseignes évoluant au sein d’un même écosystème peuvent aussi partager une seule et même plateforme. Ainsi, aux États-Unis, les deux chaînes de grande distribution concurrentes Walmart et Kroger partagent-elles la même blockchain de traçabilité alimentaire IFT !

 

Associate Partner – offre Agribusiness

More Blockchain stories
28 février 2024

L’intelligence artificielle et l’analytique avancée dans le système de santé français (Partie 2)

Face aux défis auxquels sont confrontés les systèmes de soins de santé, l’analytique avancée (AA) et l’intelligence artificielle (IA) sont des technologies à haut potentiel d’impact. Ces technologies peuvent équiper les systèmes de santé d’outils avancés pour renforcer les soins des patients et améliorer l’efficacité opérationnelle. La deuxième partie de cet article reprend le fil […]

Continue reading

8 février 2024

De la donnée au passage à l’échelle de l’intelligence artificielle générative !

Notre monde est de plus en plus axé sur la donnée. Sa gestion en devient cruciale pour assurer la réussite des transformations des organisations actuelles. Cette année 2023 aura été pour moi un approfondissement des sujets d’architecture autour de la gestion de cette donnée. Je souhaitais partager mes sujets de réflexion pour les semaines à […]

Continue reading

31 janvier 2024

La croissance d’IBM Storage Ceph : le socle idéal pour un data lakehouse moderne

Cela fait un an qu’IBM a intégré les feuilles de route et les équipes des produits de stockage Red Hat dans IBM Storage. Au cours de cette période, les organisations ont été confrontées à des défis sans précédent en matière de données pour mettre l’IA à l’échelle en raison de la croissance rapide des données […]

Continue reading